L'USAC-CGT, premier syndicat de l'Aviation Civile, se doit de réagir au dernier rapport de la Cour des Comptes qui stigmatise une « organisation opaque » de la gestion des personnels de la navigation, et particulièrement la profession d'Ingénieur du Contrôle de la Navigation Aérienne (ICNA). Ce rapport, succédant au référé de la Cour des Comptes du 31 juillet 2009 qui avait donné naissance à une campagne de presse agressive, a terni l'image de cette profession. S'il est regrettable de constater une instruction « à charge » contre un service de l'état et les agents de la fonction publique émanant d'un organe de presse libérale, il est bien plus fâcheux de voir les députés s'appuyer sur ces conclusions pour questionner le Directeur Général de l'Aviation Civile et le Secrétaire d'État aux Transports. Vous aurez toutefois constaté que les réponses fournies au rapporteur spécial et l'énoncé des mesures prévues étaient de nature à répondre à l'ensemble des remarques formulées par les parlementaires.
Si certaines pratiques de gestion peuvent être contestées, elles n'en sont pas moins explicables tant d'un point de vue historique qu'opérationnel. L'encadrement de la DGAC et l'ensemble des représentants des personnels ont d'ailleurs engagé des négociations afin d'apporter au système toute la transparence exigée par les magistrats.
Comme le Directeur Général l'a souligné, ces pratiques restent toutefois marginales et conjoncturelles et sont très loin de représenter les chiffres qui ont pu circuler suite aux allégations formulées dans le rapport avec « un temps de travail probablement inférieur à 100 jours ».
Il faut de plus souligner que, contrairement à ce que prétendait déjà le référé de juillet 2009 de la Cour, ces pratiques de flexibilité de gestion n'ont pas porté préjudice à la sécurité ni même à la fluidité du contrôle aérien, assurant au contraire un haut niveau de sécurité et d'efficacité au meilleur coût, salué par la commission d'Eurocontrol chargée d'évaluer les performances des prestataires de services de navigation aérienne européens (PRC).
Il est également regrettable de trouver dans le rapport des magistrats de la Cour des Comptes des inexactitudes qui font maintenant force de loi, sont reprises par les parlementaires puis à leur tour par les médias, clouant au pilori une profession aujourd'hui en plein désarroi.
C'est sur des bases particulièrement discutables que le rythme de travail des contrôleurs aériens est ainsi mis à l'index par les magistrats de la Cour :
- Le rythme de 1 jour sur 2 en moyenne et son corollaire, la durée de vacation plus longue que dans d'autres pays européens, n'ont pas été choisis dans le but de réduire le nombre de trajets domicile/travail des agents », et ne sont surtout pas « contradictoires avec l'objectif de sécurité [de la DGAC] », ce sont des conclusions différentes de nos voisins à la même analyse des impératifs de sécurité privilégiant des temps de récupération longs à des repos fréquents. L'effet secondaire est effectivement de réduire le nombre de trajets domicile/travail, ce qui n'est sûrement pas pour déplaire au ministère de l'écologie.
- Cette contrainte pour l'administration a d'ailleurs déjà été largement assouplie, comme le souligne le rapport, par des mesures de modulation ou l'introduction de vacations complémentaires pour les contrôleurs aériens sur leurs jours de repos en période de fort trafic, en nombre heureusement limité pour des raisons de sécurité.
- Le rapport mentionne que les contrôleurs français ne font que 155 vacations par an contre 183 pour leurs homologues d'Eurocontrol. Ce sont ces chiffres qui sont repris dans la presse et non l'accord de réduction du temps de travail des contrôleurs du centre de contrôle de Maastricht à 160 vacations par an que vient de signer la direction d'Eurocontrol, faisant de la DGAC non une exception mais un précurseur.
- Il est faux de prétendre que les contrôleurs disposeraient de « 97 jours de congés ou de repos, sur une base de 252 jours ouvrés par an ». En effet, parler de « jours ouvrés » pour des personnels travaillant 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 est incohérent et ce résultat incompréhensible semble provenir de la soustraction de 155 vacations à 252 jours ouvrés, alors que les 155 vacations par ans des contrôleurs aériens sont issues du calcul suivant :
365 jours – (9 cycles de congés x 6 jours) = 311 jours, pour lesquels un rythme de travail de 1 jour sur 2 en moyenne donne 311 / 2 = 155,5 vacations.
- Les contrôleurs ont pour la plupart un rythme de travail organisé par cycles de vacations de 3 jours de travail suivis de 3 jours de repos. Avec 9 cycles de congés par an, on atteint donc 27 jours de congés assortis de 27 jours de repos, en aucun cas « 97 jours ».
- Les contrôleurs aériens en horaire permanent ne bénéficient d'aucun jour férié, d'aucune RTT, travaillent en moyenne 2 week-ends sur 3, font 1 nuit partielle ou entière tous les 6 jours, ont des horaires décalés et des restrictions de congés pendant les périodes de charge, celles où tout le monde part en vacance...
- Même si on comptabilise les jours de repos comme des congés, atteignant ainsi 54 jours, la comparaison n'est pas scandaleuse pour autant avec un travailleur à horaire administratif disposant de 5 semaines de congés par an, puisque le calcul doit alors porter non sur 25 jours mais sur 35 (5 x 7, incluant les repos hebdomadaires) + 11 jours fériés, soit 46 jours auxquels il faut encore ajouter les jours ARTT dont le nombre dépend de l'option choisie.
- Le travail en équipe est reconnu comme étant la meilleure solution pour développer la synergie entre contrôleurs, améliorant réflexes communs et confiance réciproque, dans une profession où les facteurs humains sont les variables essentielles de la sécurité. Cette organisation privilégiant la sécurité maximale n'est en aucun cas un « problème majeur de productivité », bien au contraire, puisqu'elle permet à la France d'offrir un des taux de redevances aériennes les plus faibles d'Europe, démontrant ainsi la pertinence de son modèle dans lequel la forte solidarité au sein des équipes et les libertés de gestion accordées aux chefs d'équipe sont les garants d'un dévouement sans faille des personnels ainsi que d'un absentéisme inexistant.
L'USAC-CGT se tient à la disposition de la Cour pour apporter son concours à une nouvelle analyse de la situation permettant aux magistrats de donner un nouvel éclairage sur la situation à la DGAC. Le contenu de votre rapport dont la presse se fait l'écho a en effet porté un tort considérable à la profession de contrôleur aérien, que seules de nouvelles publications de votre part pourraient atténuer.
Veuillez recevoir, Monsieur le Premier Président de la Cour des Comptes, l'assurance de notre plus haute considération.